Dominique Arago (16 mai 1840)

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Dominique Arago : Le droit de vote au rang des droits naturels (16 mai 1840)

Successivement député des Pyrénées-Orientales et député de la Seine, François Arago devient colonel de la Garde nationale et une grande figure du parti républicain pendant la monarchie de Juillet. Républicain convaincu et opposé à la monarchie, il s’exprime en faveur du suffrage universel en ce 16 mai 1840 alors que Louis-Philippe Ier est au pouvoir.
Après la révolution de 1848, Arago est un éphémère chef de l’État durant quelques semaines mais a tout de même le temps de contribuer à l’abolition de l’esclavage.

  

Il faut donc revenir au principe de la souveraineté nationale : c'est le principe de notre gouvernement ; il est inscrit dans la Charte ; il est inscrit dans tous nos actes, il est inscrit dans les discours des ministres.

[...]

Messieurs, la population de la France se compose de 34 millions d'âmes. Sur 34 millions d'âmes, 17 millions d'hommes, sur 17 millions d'hommes, d'après les tables de natalité les plus exactes, on a 8 millions d'hommes de 25 ans et au-dessus.

Vous savez pourquoi je prends la limite de vingt-cinq ans ; elle est indiquée dans la Charte.

Combien avez-vous d'électeurs, sur 8 millions d'hommes de vingt-cinq ans et au-dessus ? Vous en avez à peu près 200 000. Vous avez, par conséquent, un électeur sur 40 hommes ayant vingt-cinq ans et au-dessus.

Je soutiens, moi, que le principe de la souveraineté populaire n'est pas en action dans un pays où, sur quarante hommes, il n'y a qu'un électeur.

Après avoir examiné la question du chiffre, examinons la question des contributions.

Vous avez 9 millions de cotes foncières ; sur ces 9 millions de cotes, il y en a certainement 8 millions qui appartiennent à une classe de la population qui est privée du droit électoral.

[...]

Je dis qu'il y a, dans la population, une partie considérable qui est privée de toute espèce de droits politiques, et qui non seulement est la plus nombreuse, mais encore qui paie la masse la plus considérable dans les contributions de l'État.

[...]

Les pétitionnaires qui s'adressent à la Chambre, réclament au nom du droit. Le droit est imprescriptible, un droit ne périt pas pour avoir sommeillé pendant un certain nombre d'années. Le mot droit signifie ici justice, et qui réclame au nom de la justice, réclame au nom d'une autorité indivisible. Ce n'est pas par la force, par la violence, qu'on peut prôner le droit. Si vous voulezprouver que les pétitions doivent être repoussées par l'ordre du jour, il faut que vous prouviez que les pétitionnaires ne sont pas dans leur droit.

[...]

Il est donc utile, il est donc naturel que les classes de la population, qui actuellement sont privées des droits politiques, viennent les réclamer, puisque dans l'exercice de nos droits politiques nous ne pouvons anéantir les droits naturels.