Points-clés
Créé par la loi, l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) est un organe d’information commun à l’Assemblée nationale et au Sénat.

Composée de dix-huit députés et dix-huit sénateurs, cette délégation parlementaire a pour mission, aux termes de la loi, « d’informer le Parlement des conséquences des choix de caractère scientifique et technologique afin, notamment, d’éclairer ses décisions ». Elle permet ainsi au Parlement de disposer d’une expertise pour éclairer des choix politiques de long terme.

 

I. –    LA CRÉATION DE L’OPECST

Au début des années 1980, à l’occasion de débats tels ceux concernant les orientations des programmes nucléaire et spatial ou du plan « câble », le Parlement avait constaté qu’il n’était pas en mesure d’apprécier en toute indépendance les décisions du Gouvernement sur les grandes inflexions de la politique scientifique et technologique.

Il a donc décidé de se doter de son propre outil d’expertise et d’évaluation, dédié aux questions liées à l’évolution des connaissances scientifiques et au développement des nouvelles technologies : l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST).

Créé par la loi n° 83-609 du 8 juillet 1983, à la suite d’un vote unanime du Parlement, cet organe a pour mission, aux termes de la loi, « d’informer le Parlement des conséquences des choix de caractère scientifique et technologique afin, notamment, d’éclairer ses décisions ». À cet effet, l’OPECST « recueille des informations, met en œuvre des programmes d’études et procède à des évaluations. »

II. –    CONSTITUTION ET MISSIONS

1. –    LA STRUCTURE DE L’OFFICE

L’OPECST est une structure originale au sein du Parlement, car elle est commune à l’Assemblée nationale et au Sénat. Elle est composée de dix-huit députés et de dix- huit sénateurs, qui sont désignés de façon à assurer, au sein de chaque assemblée, une représentation proportionnelle des groupes politiques. La présidence de l’OPECST est assurée par un membre de l’une ou l’autre assemblée, de façon alternative, pour une durée de trois ans, la loi précisant que le premier vice-président doit appartenir à l’autre assemblée.

L’OPECST joue un rôle d’intermédiaire entre le monde politique et le monde de la science, de la recherche et de l’innovation. Il est assisté d’un conseil scientifique dont la composition reflète la diversité des champs scientifiques et technologiques. Le conseil scientifique, constitué de 24 personnalités de haut niveau désignées par la délégation en raison de leur compétence, peut être convoqué par le président de l’OPECST chaque fois qu’il l’estime nécessaire. Par ailleurs, les rapporteurs font souvent appel à l’expertise des membres du conseil scientifique les plus directement concernés par leurs travaux.

2. –    LES ÉTUDES SUR SAISINE

L’OPECST peut être saisi soit par le Bureau de l’une ou l’autre assemblée (à son initiative, à la demande d’un président de groupe politique, ou encore à la demande de soixante députés ou de quarante sénateurs), soit par une commission permanente ou spéciale. On compte à ce jour à peu près autant de saisines émanant des Bureaux des assemblées que d’études demandées par des commissions permanentes.

Toute saisine donne lieu à la nomination par l’Office de rapporteurs choisis exclusivement en son sein, le plus souvent un duo représentatif d’une triple mixité : un député, un sénateur ; une femme, un homme ; un membre de la majorité, un membre de l’opposition.

3. –    LES ÉVALUATIONS PRÉVUES PAR LA LOI

À côté des études sur saisine, l’OPECST procède à des évaluations dans le cadre de procédures définies par diverses lois comme celles de 1994, 2004, 2011 et 2021 relatives à la « bioéthique », celle de 1998 relative au contrôle de la sécurité sanitaire, celle de 2005 fixant les orientations de la politique énergétique, celle de 2006 relative à la transparence et à la sécurité nucléaire, celle de 2006 relative à la gestion durable des matières et déchets radioactifs, celles de 2006 et de 2013 sur la recherche, ou encore celle de 2015 sur la transition énergétique.

Certaines de ces évaluations sont récurrentes, comme l’évaluation du plan national de gestion des matières et déchets radioactifs et la consultation préalable à toute réforme en matière de bioéthique.

Les évaluations sont réalisées, comme les études et selon les mêmes modalités, par des rapporteurs nommés par l’OPECST en son sein.

4. –    LES AUDITIONS PUBLIQUES D’ACTUALITÉ

Lorsqu’un fait d’actualité touchant à un sujet scientifique ou technologique fait débat ou suscite une demande d’éclairage de la part du Parlement, l’OPECST peut organiser une audition collective et contradictoire des parties prenantes : représentants concernés de la communauté scientifique et technologique, autorités, associations et collectifs de citoyens, etc. Les auditions publiques d’actualité sont ouvertes à la presse et diffusées en direct sur le portail vidéo de l’assemblée où elles se tiennent.

Initiée en 1997, avec l’organisation d’une « journée d’étude » sur la société de l’information, cette procédure a permis d’aborder des sujets aussi divers que la crise liée à l’épidémie de légionellose survenue en 2003, la gouvernance mondiale de l’internet, l’expertise scientifique, le protocole de Londres relatif aux brevets européens, la radiothérapie, les biocarburants, la valorisation de la recherche, le dossier médical personnel, les apports des sciences et technologies à l’évolution des marchés financiers, les mathématiques en France et dans les sciences, les enjeux des matériaux stratégiques, le survol des centrales nucléaires par des drones, les médicaments biosimilaires, les synergies entre sciences humaines et sciences technologiques, les maladies à transmission vectorielle, l’électro-hypersensibilité, les compteurs communicants, les perspectives technologiques ouvertes par la 5G, l’expérimentation animale, l’intelligence artificielle et les données de santé, les  nouvelles techniques de sélection végétale, les symptômes prolongés après un Covid (ou “ Covid long ”), la recherche polaire, etc.

Souvent, les auditions publiques d’actualité permettent à l’OPECST de faire un bilan des évolutions intervenues dans le domaine concerné depuis la publication d’un précédent rapport.

À la suite d’une audition publique d’actualité, les membres de l’OPECST qui ont présidé les débats présentent devant la délégation les conclusions qu’ils en tirent. Le compte rendu de la délibération de l’OPECST est joint aux actes de l’audition publique, qui sont publiés sous forme de rapport parlementaire.

5. –    LES NOTES SCIENTIFIQUES

Afin d’éclairer plus rapidement la décision publique, l’OPECST a développé lors de la XVe législature (2017-2022) un nouveau mode de travail s’inspirant de la pratique britannique. Aux études de plusieurs centaines de pages réalisées en six à dix-huit mois, s’ajoutent désormais des « notes scientifiques », réalisées en quatre à huit semaines, dans un format de quatre pages facile à lire et complété par des annexes. Ces notes visent à présenter une synthèse pédagogique de l’état de l’art sur un sujet scientifique ou technologique d’actualité : son contexte, les mesures mises en œuvre, le bilan des résultats déjà obtenus et les pistes de recherche. Après son adoption par l’OPECST, le rapporteur la présente sous la forme d’une courte vidéo diffusée sur le portail internet de l’OPECST.

33 notes ont été publiées au cours de la XVe législature, sur des sujets aussi divers que l’impression 3D, le stockage du carbone, les enjeux sanitaires et environnementaux l’huile de palme, les lanceurs spatiaux réutilisables, la phagothérapie, le biomimétisme, les équilibres psychosociaux à l’épreuve de la Covid 19, le stockage de données sous forme d’ADN ou le microbiote intestinal.

III. –    LA NATURE DES TRAVAUX

1. –    LES THÈMES ABORDÉS

Depuis la création de l’OPECST, plus de 230 rapports ont été publiés, abordant des sujets extrêmement variés, comme en témoignent les études portant sur l’évolution du secteur de la micro/nanoélectronique, les risques et dangers pour la santé humaine de substances chimiques d’usage courant, les apports de la science et de la technologie à la compensation du handicap, l’amélioration de la sécurité des barrages et ouvrages hydrauliques, l’apport de l’innovation et de l’évaluation scientifique et technologique à la mise en œuvre des décisions de la COP21, les enjeux technologiques des blockchains, l’expertise des risques sanitaires et environnementaux par les agences nationales et européennes, l’hésitation vaccinale ou l’arrêt de la commercialisation des véhicules thermiques en 2040.

Certaines saisines ont été renouvelées (contrôle de la sûreté et de la sécurité des installations nucléaires, évolution du secteur des semi-conducteurs, télévision à haute définition numérique, biotechnologies, performance énergétique des bâtiments, etc.), ce qui a permis à l’OPECST d’assurer un suivi de la mise en œuvre de ses recommandations.

2. –    L’ÉTUDE DE FAISABILITÉ

À la suite d’une saisine, les rapporteurs désignés effectuent d’abord une étude de faisabilité. Cette étude a pour objet d’établir un état des connaissances sur le sujet, de déterminer d’éventuels axes de recherche, d’apprécier les possibilités d’obtenir des résultats pertinents dans les délais requis, et de déterminer les moyens nécessaires pour engager le programme d’étude, notamment afin d’effectuer les visites utiles pour recueillir les informations les plus pertinentes.

Les rapporteurs peuvent décider de mettre en place un groupe de travail, ou « comité de pilotage », composé de personnalités compétentes qui pourront les assister dans leurs travaux.

Les rapporteurs soumettent cette étude de faisabilité à une délibération de l’OPECST qui peut décider d’adapter le champ de la saisine ou, exceptionnellement, de ne pas poursuivre les travaux.

3. –    L’ÉLABORATION DU RAPPORT

Une fois arrêtée la décision d’engager l’étude, les rapporteurs procèdent aux auditions qui leur permettent de solliciter des informations, des analyses et des avis auprès de personnalités scientifiques ou de représentants d’organismes publics, d’entreprises, d’associations, d’administrations ou d’agences. Leur travail s’appuie également sur le recueil d’une documentation approfondie.

Les rapporteurs peuvent organiser certaines de ces auditions de façon publique c’est-à-dire en les ouvrant à la presse. Le compte rendu de ces auditions publiques est alors annexé au rapport.

Ils effectuent enfin des missions en France ou à l’étranger en vue de recueillir sur des sites pertinents identifiés par l’étude de faisabilité une information de première main.

4. –    LES POUVOIRS DES RAPPORTEURS

La loi donne aux rapporteurs de l’Office des pouvoirs identiques à ceux des rapporteurs spéciaux des commissions parlementaires chargées des finances. Ils peuvent donc procéder à des contrôles sur pièces et sur place dans tous les organismes dépendant de l’État et se faire communiquer tous les documents de service, à l’exception de ceux concernant la défense nationale ou la sécurité de l’État. Ainsi, deux rapporteurs ont effectué en 2011 deux visites inopinées de centrales nucléaires. En cas de difficultés dans l’exercice de sa mission, l’OPECST peut demander, pour une durée n’excédant pas six mois, à bénéficier des prérogatives attribuées aux commissions d’enquête parlementaire.

5. –    LA PUBLICATION DU RAPPORT

Les rapports de l’OPECST ne sont pas une simple juxtaposition des points de vue exprimés par les experts. Les rapporteurs s’approprient les informations rassemblées et développent sur cette base leurs propres analyses en essayant de prendre en compte au mieux les différents aspects du sujet, pour apporter l’éclairage le plus complet possible. À l’issue de leur étude, ils soumettent leurs conclusions et leurs recommandations à une délibération de l’Office. Celle-ci se termine par un vote sur l’autorisation de publier le rapport. Les décisions de l’OPECST sont prises le plus souvent à l’unanimité.

Les rapports dont l’OPECST autorise la publication sont déposés sur le bureau de chaque assemblée.

IV. –    L’OUVERTURE EXTÉRIEURE

1. –    LES RELATIONS AVEC LES ORGANISMES SCIENTIFIQUES

Bien que cette mission ne soit pas expressément prévue par la loi de 1983, l’OPECST a été conduit, dans le cadre des fonctions de contrôle et d’évaluation du Parlement, à développer des relations institutionnelles avec les acteurs de la communauté scientifique et technologique, relations qui ont pris une importance particulière à partir de la XIIIe législature.

Certains de ces échanges réguliers sont prévus par la loi, comme la présentation des rapports annuels d’activité de l’Autorité de sûreté nucléaire (loi du 13 juin 2006), de l’Agence de la biomédecine (loi du 7 juillet 2011), ou du Centre scientifique et technique du bâtiment (loi du 17 août 2015).

L’OPECST a développé depuis 2005 un partenariat avec l’Académie des sciences. Ce partenariat a été élargi en 2018 à l’Académie nationale de médecine et transformé de façon à organiser environ trois fois par an des entretiens thématiques se tenant en alternance à l’Académie des sciences, à l’Académie nationale de médecine, au Sénat et à l’Assemblée nationale, sur des sujets scientifiques d’intérêt commun. Ont ainsi été abordés des thèmes comme la programmation de l’énergie, l’ingénierie du génome, la science participative, la robotique ou le « net zéro ».

L’Académie des technologies a souhaité formaliser un partenariat d’échanges d’informations régulier avec l’OPECST sur leurs travaux respectifs. Elle apporte également son concours aux travaux des rapporteurs. Chaque année, l’INSERM organise en décembre la remise du prix OPECST-INSERM à un chercheur qui s’est distingué dans le domaine de la valorisation de la recherche.

D’autres contacts prennent la forme de visites de laboratoires ou d’installations techniques, ou plus classiquement d’auditions. Le président de l’OPECST s’attache en outre à recevoir en entretien individuel de nombreuses personnalités du monde de la science et de la technologie ; de plus en plus souvent, ces entretiens sont ouverts à l’ensemble des membres de l’OPECST.

Plusieurs lois impliquent l’OPECST dans la désignation de parlementaires ou de personnalités qualifiées au sein d’instances scientifiques, voire prévoient la présence directe du président ou d’un ou plusieurs membres de l’Office dans leurs organes de direction.

À partir de la XIIIe législature, l’Office a été amené à s’intéresser de façon approfondie à l’organisation de la recherche française. Il a notamment rendu, à la demande du ministère de la recherche et de l’enseignement supérieur, un avis sur la Stratégie nationale de recherche et d’innovation et il a fortement encouragé à la création des alliances thématiques de recherche. À la suite du lancement, en 2010, du programme d’investissements d’avenir, l’OPECST a œuvré au rapprochement des alliances thématiques de recherche et du Commissariat général à l’investissement, et s’est attaché à dresser un premier bilan des investissements d’avenir.

La XIVe législature a vu la reconnaissance du rôle de l’OPECST comme instance d’évaluation du dispositif de recherche et d’enseignement supérieur scientifique, à travers, d’abord, son association étroite aux Assises de la recherche organisées en 2012, ensuite via l’inscription, dans la loi du 22 juillet 2013, de sa mission d’évaluation de la stratégie nationale de recherche, qui s’est traduite par la publication d’un premier rapport en février 2017.

2. –    LES ACTIVITÉS INTERNATIONALES

L’OPECST contribue à la démarche d’ouverture du Parlement aux savoirs et aux bonnes pratiques des pays étrangers par trois voies complémentaires :

–    il appuie ses investigations par des visites et des rencontres dans les divers endroits du monde pertinents pour les sujets étudiés ; on peut mentionner à cet égard la dimension essentielle des déplacements en Allemagne et au Japon pour le rapport sur l’avenir de la filière nucléaire, le déplacement en Suisse pour l’étude sur l’efficacité énergétique des bâtiments, et les déplacements en Allemagne et aux États-Unis pour le rapport sur les enjeux économiques, environnementaux, sanitaires et éthiques des biotechnologies à la lumière des nouvelles pistes de recherche ;

–    il est un membre actif de l’European Parliamentary Technology Assessment (EPTA), club informel des organismes européens chargés de conduire les évaluations scientifiques et technologiques pour les parlements nationaux et le Parlement européen ; l’Assemblée nationale en a accueilli les travaux lors d’un colloque en septembre 2008 marquant la présidence française de l’Union européenne, puis en septembre 2015, à l’occasion de la présidence française de l’EPTA. Les partenaires européens de l’EPTA sont souvent sollicités pour recueillir l’éclairage national de leur pays sur les sujets traités dans le cadre des travaux de l’OPECST ;

–    enfin, il reçoit des délégations étrangères venues recueillir l’expérience française dans son champ de compétences.


Septembre 2023