Points-clés
Organes de travail essentiels de l’Assemblée nationale, les commissions permanentes ont une double fonction : préparer le débat législatif en séance publique ; informer l’Assemblée et contrôler le Gouvernement.

Dans leurs efforts pour mettre en place un parlementarisme rationalisé, les rédacteurs de la Constitution de 1958 ont tenté d’encadrer étroitement le rôle et l’influence des commissions permanentes, notamment en limitant leur nombre à six.

La pratique n’a pas répondu à leurs attentes. Aujourd’hui, les travaux des commissions permanentes participent pleinement à l’élaboration de la loi. La révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 a tiré les conclusions de cette évolution, en prévoyant que les textes débattus en séance publique sont ceux issus des travaux des commissions et en portant de six à huit le nombre maximal de commissions permanentes. Dans cet esprit, la révision du Règlement de l’Assemblée nationale du 4 juin 2019 a accru le rôle des commissions dans l’élaboration de la loi.

Par ailleurs, diverses révisions constitutionnelles et réglementaires ont accru la publicité de leurs travaux et leur ont confié des moyens plus variés de contrôle de l’action du Gouvernement.  

 

Organes de travail essentiels de l’Assemblée nationale, les commissions ont pour fonction principale de préparer le débat législatif en séance publique. L’importance de leur rôle a été renforcée par la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, qui a permis que les textes débattus en séance publique soient ceux issus des travaux des commissions.

Mais loin de se cantonner dans ce rôle, les commissions permanentes étendent, conformément à une évolution observée dans de nombreux parlements, leurs activités dans différents domaines, au premier rang desquels se placent l’information de l’Assemblée nationale et le contrôle du Gouvernement.

I. –    LES COMMISSIONS, LIEUX DE PRÉPARATION DU DÉBAT LÉGISLATIF EN SÉANCE PUBLIQUE

1. – NOMBRE ET COMPÉTENCES DES COMMISSIONS

Les rédacteurs de la Constitution de 1958 avaient tenté d’encadrer strictement les commissions permanentes pour en limiter l’influence :

–    d’où la fixation par la Constitution elle-même du nombre des commissions permanentes ; arrêté à six, celui-ci était sensiblement plus faible que celui observé dans les autres parlements de l’Union européenne ; une rupture était ainsi marquée avec la pratique de la IVe République où l’on comptait dix huit commissions ;

–    d’où également leur volonté de faire du recours à une commission spéciale la règle et de la saisine d’une commission permanente l’exception, ainsi que le prévoyait l’article 43 de la Constitution dans sa rédaction initiale. La pratique parlementaire n’a toutefois pas suivi car les commissions spéciales se sont révélées d’un maniement malaisé (pour le Gouvernement, perte des repères existant dans une commission permanente, fonctionnement parallèle des commissions permanentes, frein mis par ces dernières à la constitution d’un organe les dessaisissant d’une part de leurs prérogatives, éventuel ralentissement de la procédure législative lié à l’intérêt pour une commission spéciale de prolonger l’examen d’un texte, dans la mesure où elle cesse d’exister avec l’adoption de ce texte).

La révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 a porté à huit le nombre maximal de commissions permanentes et, afin de consacrer la pratique, fait du renvoi d’un texte à une commission permanente la règle et de la constitution d’une commission spéciale l’exception.

L’article 36 du Règlement de l’Assemblée nationale, qui fixe la dénomination et les compétences des commissions permanentes, a été modifié en conséquence, le passage de six à huit commissions étant assuré par la scission de chacune des deux commissions qui comptaient chacune le quart des membres de l’Assemblée : la commission des affaires culturelles, familiales et sociales et la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire. Il en résulte une répartition plus équilibrée des députés entre les huit commissions, à raison d’un huitième des effectifs de l’Assemblée (soit 72) par commission :

–    commission des affaires culturelles et de l’éducation ;

–    commission des affaires économiques ;

–    commission des affaires étrangères ;

–    commission des affaires sociales ;

–    commission de la défense nationale et des forces armées ;

–    commission du développement durable et de l’aménagement du territoire ;

–    commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire ;

–  commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

Comme auparavant, chaque député ne peut être membre que d’une seule commission permanente.

2. –    CONSTITUTION ET FONCTIONNEMENT DES COMMISSIONS

En début de législature, puis chaque année au début de la session ordinaire (à l’exception de celle précédant le renouvellement de l’Assemblée), l’Assemblée nomme, sur la base de la représentation proportionnelle des groupes politiques et sur proposition des présidents de ces groupes, les membres des commissions permanentes. Chaque commission désigne, pour la diriger, un bureau composé d’un président, de quatre vice présidents et de quatre secrétaires. En outre, la commission des affaires sociales et la commission des finances nomment chacune un rapporteur général. Enfin, la commission des finances ne peut élire à sa présidence qu’un député appartenant à un groupe d’opposition. La composition du bureau de chaque commission s’efforce de reproduire la configuration politique de l’Assemblée, d’assurer la représentation de toutes ses composantes et de respecter la parité entre les femmes et les hommes.

Toute commission permanente dispose :
–    de sa propre salle de réunion ; celle-ci est sonorisée et dotée d’équipements permettant l’enregistrement audiovisuel des débats (garantie importante pour l’information des citoyens et en cas de contestation du compte rendu) ; la plupart comprennent également des équipements pour organiser des réunions à distance par visioconférence ; 

–    d’une équipe de fonctionnaires dédiée au travail législatif et aux travaux de contrôle, au service de tous les députés et plus particulièrement du président de la commission et des rapporteurs que la commission désigne ; 

–    de moyens financiers spécifiques lui permettant, par exemple, de couvrir des frais de mission ou des frais d’études.

Les commissions permanentes ont une intense activité qu’illustrent les données suivantes relatives à la XVe législature :

–    3 719 réunions d’une durée totale de 7 092 heures (dont 765 heures consacrées au débat budgétaire) ;

–    3 094 personnes auditionnées (dont 619 membres du Gouvernement) ;

–    1 442 rapports déposés (dont 1 201 rapports législatifs).

Les commissions permanentes sont généralement soumises à une très forte contrainte, celle du temps. 

Si le mercredi matin leur est réglementairement réservé, elles doivent généralement se réunir plusieurs fois par semaine et donc possiblement siéger en même temps que la séance publique, plus particulièrement les mardis et mercredis. Ainsi, la disposition du Règlement qui prévoyait que les commissions ne siègent pas en même temps que la séance publique, sauf pour terminer un texte inscrit à l’ordre du jour, a été supprimée en 2014 : elle était devenue impossible à respecter compte tenu de l’augmentation continue des activités des commissions permanentes et du nombre d’heures de séance publique. 

Mais la contrainte de temps la plus forte est sans conteste celle résultant de l’ordre du jour. C’est afin d’alléger cette contrainte que la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 a introduit l’exigence d’un délai de six semaines entre le dépôt d’un texte et son examen en première lecture devant la première assemblée saisie, puis d’un délai de quatre semaines entre la transmission du texte et son examen en première lecture devant la deuxième assemblée saisie. La commission dispose donc a priori des semaines nécessaires pour procéder aux réunions de travail et à des auditions préparatoires, en priorité celle du ministre chargé de la présentation du projet de loi. Ces délais ne s’appliquent cependant ni en cas d’engagement par le Gouvernement de la procédure accélérée, ni aux projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale, ni aux projets relatifs aux états de crise. Or, le Gouvernement a eu tendance à recourir de plus en plus fréquemment à la procédure accélérée.

3. –    SAISINE DES COMMISSIONS
a)    Commission spéciale ou commission permanente ?

La révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 a inversé la logique instaurée au début de la Ve République qui visait à diminuer la puissance des commissions permanentes en privilégiant l’examen des textes par des commissions spéciales. La nouvelle rédaction de l’article 43 de la Constitution, prenant acte de la pratique, a consacré la règle du renvoi d’un texte (projet déposé par le Gouvernement ou proposition déposée par un ou plusieurs députés) à une commission permanente, le renvoi à une commission spéciale étant l’exception.

Toutefois, la constitution d’une commission spéciale demeure de plein droit si le Gouvernement le demande ou si cette demande est formulée par un ou plusieurs présidents de groupe dont l’effectif global est égal à la majorité absolue des membres de l’Assemblée (cette demande ne pouvant porter sur les projets de loi de finances).

Dans les autres cas, lorsque la demande émane d’une commission permanente, d’un président de groupe ou de quinze députés, elle est considérée comme adoptée, sauf opposition de la part du Gouvernement, du président d’une commission permanente ou d’un président de groupe. En cas d’opposition, la décision appartient à l’Assemblée.

Dans les faits, les projets de loi sont renvoyés, dans la grande majorité des cas, à une commission permanente. Toutefois, au cours de la XVe législature, onze commissions spéciales ont été créées, contre six sous la législature précédente. 

S’il y a conflit de compétences entre deux commissions permanentes, il appartient à l’Assemblée elle-même de le trancher. Ce cas est très rare et le dernier exemple date de 1979.

b)    Les commissions saisies pour avis

La quasi-absence de conflit de compétences s’explique en partie par la souplesse de la procédure de saisine pour avis qui donne à chaque commission permanente la liberté de se prononcer sur tout ou partie d’un texte renvoyé au fond à une autre commission permanente. Ainsi, sur le projet de loi de finances renvoyé au fond à la commission des finances, les sept autres commissions permanentes donnent chaque année leur avis.

La réforme du Règlement du 4 juin 2019 a toutefois modifié les modalités de la saisine pour avis, en recentrant le travail de la commission saisie pour avis sur la phase préalable à la séance. Ainsi, en séance, la commission qui s’est saisie pour avis n’intervient plus et son rapporteur ne s’exprime plus ès-qualités. En outre, le rapport pour avis ne fait plus l’objet d’une publication spécifique : il prend la forme d’une annexe au rapport de la commission saisie au fond.

En revanche, la réforme de 2019 a donné une base réglementaire à la pratique de la « délégation d’articles » : la commission au fond a désormais la possibilité de solliciter l’avis d’une autre commission permanente sur une partie d’un texte qui lui est soumis. Dans ce cas de figure, la commission saisie au fond se « dessaisit » des articles délégués : elle accepte tacitement de reprendre à son compte les amendements adoptés sur ces articles par la commission dont elle a sollicité l’avis, afin que ces amendements soient intégrés au texte qui servira de base à la discussion en séance publique. La commission saisie pour avis par la commission au fond intervient alors en séance pour présenter sa position. 

4. –    EXERCICE DES COMPÉTENCES DES COMMISSIONS EN MATIÈRE LÉGISLATIVE
a)    La place renforcée des commissions dans la procédure législative

La révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 a modifié l’article 42 de la Constitution, de telle sorte que, depuis le 1er mars 2009, la discussion des projets et propositions de loi porte, en séance, sur le texte adopté par la commission saisie au fond. Ce n’est qu’à défaut de l’établissement d’un texte par la commission, soit qu’elle ait voté le rejet du texte, soit qu’elle n’ait pas pu achever son examen dans les temps, que le texte discuté en séance publique est celui dont l’assemblée a été initialement saisie. La méconnaissance de cette règle entraîne la censure de l’ensemble de la loi (décision du Conseil constitutionnel n° 2012-655 DC du 24 octobre 2012).

Cette règle entraîne un changement profond de la place et du rôle des commissions dans la procédure législative. Les amendements adoptés par la commission saisie au fond sont intégrés dans le texte discuté en séance et n’ont pas à être présentés, discutés et adoptés en séance. En conséquence, il faut, si l’on souhaite combattre la position retenue par la commission saisie au fond, présenter en séance un amendement en sens contraire. Cette logique inversée de discussion a des conséquences non seulement pour l’ensemble des parlementaires mais également pour le Gouvernement, qui ne maîtrise plus comme auparavant la base de discussion en séance.

Des exceptions à cette règle d’examen ont toutefois été prévues au deuxième alinéa de l’article 42 de la Constitution, pour les projets de révision constitutionnelle, les projets de loi de finances et les projets de loi de financement de la sécurité sociale, dont la discussion en séance porte, en première lecture devant la première assemblée saisie, sur le texte présenté par le Gouvernement, puis, pour les autres lectures, sur le texte transmis par l’autre assemblée.

En outre, la réforme du Règlement du 4 juin 2019 a prévu une nouvelle procédure de « législation en commission ». Ainsi, à la demande du président de l’Assemblée nationale, du président de la commission saisie au fond, du président d’un groupe ou du Gouvernement, la conférence des présidents peut décider que le droit d’amendement des députés et du Gouvernement sur un projet ou une proposition de loi ou de résolution s’exerce uniquement en commission. La procédure peut porter sur tout ou partie du texte en discussion. Cette procédure a toutefois été assez peu utilisée jusqu’à présent car un président de groupe peut s’opposer à sa mise en œuvre.

b)    Les travaux du rapporteur

Pour chaque projet ou proposition de loi, la commission compétente nomme un (ou plusieurs) rapporteur parmi ses membres.

Si le rapporteur ne dispose d’aucun pouvoir d’investigation spécifique ( ), il est toutefois investi d’une double mission : une mission d’expertise concrétisée par la rédaction d’un rapport, et une mission d’initiative qui se traduit par la présentation d’amendements, pour lesquelles il est assisté de fonctionnaires parlementaires mis à sa disposition.

Les auditions du rapporteur sont ouvertes à l’ensemble des membres de la commission. Le rapporteur de la commission saisie au fond est en outre tenu de communiquer aux commissaires un document faisant état de l’avancement de ses travaux lors de la semaine qui précède l’examen du texte en commission, dès lors que le délai entre le dépôt et l’examen du texte en séance est de six semaines. En pratique, un rapport provisoire est diffusé aux commissaires avant l’examen du texte en commission, dans lequel figure, a minima, un commentaire des articles.

La commission nomme également un député, appartenant à un groupe d’opposition si le rapporteur est de la majorité (et inversement), chargé de suivre avec le rapporteur l’application réglementaire de la loi. 

c)    La recevabilité des amendements

Le président de la commission s’assure de la conformité à l’article 40 de la Constitution (recevabilité financière) des amendements présentés en commission, le plus souvent après avoir consulté le président de la commission des finances, afin d’éviter que la commission n’introduise dans le texte discuté en séance des dispositions irrecevables.

Depuis la réforme du 4 juin 2019, le président de la commission saisie au fond a compétence pour déclarer irrecevables en commission les amendements contraires à l’article 45 de la Constitution, c’est-à-dire dépourvus de tout lien direct – ou indirect en 1ère lecture – avec le texte en discussion. Il pourra être consulté par le président de l’Assemblée nationale sur la recevabilité de certains amendements déposés en séance.

En outre, avant la séance publique, le président de la commission saisie au fond doit adresser au président de l’Assemblée la liste des amendements déposés en séance qu’il estime contraires à l’article 41 de la Constitution (c’est-à-dire ne relevant pas du domaine de la loi), ou portant atteinte à une délégation accordée au Gouvernement en vertu de l’article 38 de la Constitution (autorisation à légiférer par voie d’ordonnance).

d)    L’examen des textes en commission

L’examen du rapport par la commission se déroule selon une procédure très proche de celle suivie en séance publique.

Il s’ouvre en principe par une discussion générale, parfois précédée, voire remplacée, par l’audition du ministre compétent, sans qu’il soit possible de défendre à ce stade des motions de procédure. La commission procède ensuite à l’examen du texte, article par article, en examinant tous les amendements, y compris ceux déposés par les députés non membres de la commission (qui ne peuvent pas voter). Les amendements adoptés par une commission saisie pour avis sont présentés par son rapporteur devant la commission saisie au fond. 

Le Gouvernement peut assister à l’examen du texte en commission. Cette faculté, qui n’était que très rarement utilisée jusqu’à la révision constitutionnelle de 2008, est devenue habituelle, même si elle connaît des exceptions (en particulier sur les textes d’initiative parlementaire) et que les modalités de participation du ministre au débat sont assez variables : certains ministres n’hésitent pas à intervenir fréquemment, d’autres se contentant de donner leur avis lorsque le président de la commission le sollicite.

Le débat en commission prend fin par un vote sur l’ensemble du texte. Le rapport de la commission, qui en retrace les travaux, conclut en conséquence à une adoption avec amendements, à une adoption conforme ou à un rejet du projet ou de la proposition de loi. En annexe du rapport est publié le texte adopté par la commission, sur lequel s’engagera le débat en séance publique, à l’exception des projets visés au deuxième alinéa de l’article 42 de la Constitution (voir supra). 

En outre, en première lecture, les rapports comportent en annexe, à leur demande, des contributions des groupes d’opposition et minoritaires ainsi que, le cas échéant, du co-rapporteur d’application de la loi, qui doit appartenir à l’opposition ; cette dernière contribution peut éventuellement porter sur l’étude d’impact jointe au projet de loi. En pratique, toutes ces possibilités sont peu utilisées. 

Sauf procédure accélérée, en première lecture, le délai entre la mise en ligne du texte adopté par la commission et le début de son examen en séance publique ne peut être inférieur à dix jours depuis la réforme du Règlement du 4 juin 2019 (au lieu de sept auparavant), ce qui oblige à prévoir une semaine de battement entre la réunion de la commission et l’examen en séance et réduit d’autant le temps de préparation disponible pour le rapporteur. 

e)    Les prérogatives des commissions en séance publique

En séance publique, la commission est représentée par son président et son rapporteur. Ceux-ci interviennent en premier, avant la discussion générale. Le député d’opposition désigné pour suivre l’application de la loi peut également intervenir avant la discussion générale, mais cette pratique demeure assez rare dans les faits. Dans son exposé, le rapporteur s’exprime en tant que porte-parole de la commission dont il doit défendre les positions, même si elles sont contraires aux siennes, qu’il peut alors évoquer « à titre personnel ». Le rapporteur exprime la position de la commission sur chacun des amendements soumis à l’Assemblée.

Le président de la commission saisie au fond et son rapporteur disposent d’un privilège : celui de s’exprimer en séance publique quand ils le veulent. Lorsqu’un texte fait l’objet d’une discussion dans un temps programmé, en vertu de l’article 49 du Règlement, leur temps de parole n’est pas décompté. En outre, les demandes de suspension de séance, de scrutin public, de réserve de discussion ou de seconde délibération qu’ils peuvent être amenés à formuler sont de droit.

II. –    L’EXTENSION DU RÔLE DES COMMISSIONS PERMANENTES

1. –    LE RENFORCEMENT DE LA PUBLICITÉ DES TRAVAUX DES COMMISSIONS

Jusqu’en 1994, la publicité des travaux en commission était limitée à la rédaction d’un compte rendu de type analytique publié dans les meilleurs délais, le plus souvent dès le lendemain de la réunion.

En 1994, cette publicité a été renforcée, le bureau d’une commission pouvant décider d’ouvrir à la presse les réunions au cours desquelles elle procédait à des auditions et les députés non membres de la commission étant autorisés, sans prendre part aux votes, à assister à ses réunions et à y prendre la parole. Il en était de même pour le Gouvernement.

Ces règles de publicité ont encore été renforcées en 2009, le bureau de chaque commission étant désormais chargé d’organiser la publicité des travaux de la commission par les moyens de son choix, sous réserve de respecter l’exigence formulée par le Conseil constitutionnel « qu’il soit précisément rendu compte des interventions faites devant les commissions, des motifs des modifications proposées aux textes dont elles sont saisies et des votes émis en leur sein ». Les retransmissions audiovisuelles des travaux des commissions se sont développées, les salles de réunion étant équipées à cette fin.

Enfin, depuis la réforme du Règlement du 28 novembre 2014, la publicité des travaux des commissions est devenue la règle et les bureaux des commissions ne peuvent y déroger que par une décision motivée et rendue publique. Toutes les commissions diffusent désormais leurs réunions en direct sur le site internet de l’Assemblée, sauf cas exceptionnel. En outre, elles publient un compte rendu écrit, au moins pour les réunions portant sur des travaux législatifs, établi à titre principal par une direction dédiée. 

2. –     LA MONTÉE EN PUISSANCE DES ACTIVITÉS D’INFORMATION, D’ÉVALUATION ET DE CONTRÔLE

L’article 145 du Règlement de l’Assemblée nationale prévoit que les commissions permanentes assurent l’information de l’Assemblée pour lui permettre d’exercer son contrôle sur la politique du Gouvernement.

Alors que, pendant longtemps, l’activité des commissions permanentes en matière de contrôle est quasiment restée en sommeil, elle représente désormais une part conséquente de leurs travaux, le contrôle et l’évaluation de l’action du Gouvernement et des politiques publiques revêtant une importance croissante au yeux des députés. 

a)    Les auditions en commission

Les auditions en commission, en particulier les auditions de ministres, sont devenues une méthode de travail traditionnelle et privilégiée des commissions permanentes.
Depuis la loi du 14 juin 1996, les commissions se sont d’ailleurs vu reconnaître le droit de convoquer toute personne de leur choix (le fait de ne pas répondre à une convocation étant puni de 7 500 euros d’amende), réserve faite, d’une part, des sujets de caractère secret et concernant la défense nationale, les affaires étrangères et la sécurité intérieure ou extérieure de l’État et, d’autre part, du respect du principe de la séparation de l’autorité judiciaire et des autres pouvoirs.

b)    Les missions d’information 

Créées au sein de chaque commission ou parfois communes à plusieurs commissions, les missions d’information sont en constant développement depuis plusieurs législatures. Leurs travaux donnent lieu à la publication de rapports d’information. De plus, les commissions peuvent se voir attribuer les pouvoirs d’investigation des commissions d’enquête pour une mission déterminée et une durée n’excédant pas six mois. Restée inusitée pendant près de vingt ans, il a été fait usage pour la première fois de cette possibilité par la commission des lois en novembre 2015 pour contrôler la mise en œuvre de l’état d’urgence. 

Le succès que rencontrent les missions d’information est lié au peu de formalisme exigé pour leur constitution. Le nombre de membres est laissé à la discrétion de la commission. Depuis 2009, les missions d’information doivent toutefois comporter au minimum deux membres, dont un député de l’opposition (article 145 du Règlement).

La durée des missions d’information n’est pas fixée non plus. Au cours de la XVe législature, se sont développées des missions de courte durée appelées « missions flash » constituées généralement de deux députés co-rapporteurs.

c)    Les missions d’évaluation et de contrôle

En 1999, a été créée auprès de la commission des finances une mission d’évaluation et de contrôle (MEC) inspirée du National Audit Office du Parlement britannique. Chargée d’évaluer des politiques publiques en travaillant sur divers thèmes déterminés par le bureau de la commission des finances, elle était co-présidée par un membre de la majorité et un membre de l’opposition. Ses activités ont été suspendues à la suite de la mise en place du Printemps de l’évaluation en 2018.

Sur ce modèle, afin d’assurer un meilleur contrôle des finances sociales, une mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS) a été instituée en 2004. Elle est rattachée à la commission des affaires sociales et retient chaque année plusieurs thèmes d’étude. Elle travaille en collaboration avec la Cour des comptes.

d)    Les rapports d’application et d’évaluation des lois

Six mois après l’entrée en vigueur d’une loi, son rapporteur et le député d’opposition désigné pour suivre son application présentent un rapport sur les textes réglementaires publiés pour sa mise en œuvre ainsi que sur ses dispositions qui n’auraient pas fait l’objet des textes d’application nécessaires.

En outre, à l’issue d’un délai de trois ans suivant l’entrée en vigueur d’une loi, le bureau d’une commission peut charger deux députés, dont l’un appartient à un groupe d’opposition, de préparer un rapport d’évaluation sur l’impact de cette loi. Celui-ci en évalue les effets ainsi que les difficultés rencontrées lors de sa mise en œuvre.

e)     L’avis des commissions permanentes sur certaines nominations

Lorsqu’en vertu de dispositions constitutionnelles ou législatives une commission permanente de l’Assemblée est appelée à rendre un avis préalablement à une nomination par le Président de la République, le nom de la personnalité dont la nomination est envisagée est transmis au Président de l’Assemblée, lequel saisit la commission compétente. La personnalité dont la nomination est envisagée est auditionnée par la commission. Le président de la commission se concerte avec le président de la commission permanente compétente du Sénat afin que le dépouillement du scrutin intervienne au même moment dans les deux commissions permanentes.

Depuis la réforme du Règlement du 4 juin 2019, la désignation d’un rapporteur appartenant à un groupe d’opposition ou minoritaire, auparavant pratiquée dans certaines commissions, est désormais obligatoire.

Une procédure comparable est mise en œuvre lorsqu’ une commission permanente est appelée à rendre un avis préalablement à une nomination par le Président de l’Assemblée.

3. –    LE TRAITEMENT DES PÉTITIONS

Les pétitions adressées au Président de l’Assemblée nationale, via un portail en ligne, sont désormais directement renvoyées à la commission compétente, qui désigne un rapporteur. Celui-ci conclut soit au classement, soit à l’examen de la pétition en commission. En pratique, le bureau de chaque commission a décidé d’un seuil de signatures en-dessous duquel les pétitions sont classées d’office au bout d’un certain délai.

4. –    LES COMMISSIONS ET L’APPAREIL NORMATIF EUROPÉEN

Depuis 1992, le Gouvernement soumet à l’Assemblée nationale et au Sénat les propositions d’acte communautaire comportant des dispositions de nature législative. Cette transmission a depuis été étendue à l’ensemble des projets ou propositions d’actes européens, sans considération de leur nature législative.

Ces textes sont examinés par la commission des affaires européennes qui peut transmettre aux commissions permanentes ses analyses, éventuellement assorties de conclusions. Elle peut également déposer des rapports d’information sur certains de ces actes, accompagnés le cas échéant d’une proposition de résolution. Cette dernière est alors présentée, examinée et discutée suivant la procédure applicable en première lecture aux propositions de loi. 

Les autres propositions de résolution européenne sont d’abord examinées par la commission des affaires européennes. Le texte résultant de ses travaux est ensuite renvoyé à la commission permanente compétente, qui est réputée avoir adopté le texte sans modification à défaut de l’examiner dans un délai d’un mois. L’absence de demande d’inscription en séance publique de la proposition de résolution dans les quinze jours suivant son adoption, positive ou tacite, par la commission saisie au fond, permet de considérer la résolution comme définitivement adoptée.

 

Septembre 2023